Impact d’un double enzymage en vinification préfermentaire à chaud

le 26/09/2016 17:00 par Federica CARTA / Enzyme

Si les premières études sur les conséquences du changement climatique montrent que le réchauffement a globalement favorisé la qualité du vin dans certaines régions, la poursuite de ce réchauffement peut devenir problématique, avec des soucis d’accès à l’eau en cas de sécheresse, le développement de maladies émergentes, ou encore l’érosion des sols du fait d’évènements orageux violents. 

Enzymage

Mais une année chaude est souvent associée à un grand millésime. Un climat plus chaud entraîne une maturation plus rapide des raisins et nécessite donc une vendange plus précoce. Sous l’effet du soleil et des températures élevées, les acides du raisin sont plus vite dégradés et l’accumulation des sucres provoque des taux d’alcool importants
Les baies deviennent plus fermes et les pellicules plus difficiles à casser, engendrant des libérations de jus limitées. De l’ensemble de ces conséquences est née l’idée d’un essai avec un double enzymage qui puisse nous permettre d’agir plus rapidement sur la qualité des moûts et nous aider à l’extraction du jus, et donc à augmenter le rendement. Le but de cet essai est d’évaluer et analyser l’impact d’un double enzymage sur cépage Gamay vinifié avec une macération préfermentaire à chaud: enzymage réalisé avant et après chauffage. L’enzyme utilisée (Vinextase « Extasym Clarification Active+ ») est liquide, avec une activité secondaire qui la rend extrêmement rapide.

Matériel et méthode

L’encuvage est réalisé en grappes entières dans des cuves de 40 kg. Un foulage des 10 premiers kg, complété par 30 kg en grappes entières, reproduit le tassement dans les plus grands contenants.
Trois modalités sont mises en œuvre :

– témoin non enzymé ;
– témoin enzymé à 3 ml/hl avant MPC et 3 ml/hl après MPC ;
– témoin enzymé à 5 ml/hl avant MPC et 5 ml/hl après MPC.

L’enzymage a lieu dès la fin du remplissage, au cours d’un re- montage de l’ensemble du jus formé. Les cuves sont placées à 13 °C. Un premier remontage est réalisé après 4 heures de macération, et un second 8 heures après, avant la macération préfermentaire à chaud (MPC). Pour la MPC, les cuves sont chauffées à 65 °C pendant 12 heures, puis refroidies à 25 °C. En début de refroidissement, un second enzymage est pratiqué aux mêmes doses que le premier. Les cuves sont ensuite levurées à 10 g/hl (souche « Safoeno STG S101 ») et macèrent 3 jours à 25°C avant décuvage. La fin de la fermentation alcoolique (FA) a lieu à 18 °C. Les vins sont soutirés en fin de fermentation alcoolique et ensemencés en bactéries (« Viniflora CH11 », Chr. Hansen) pour induire la fermentation malolactique. Les indicateurs utilisés sont la turbidité, la filtrabilité, la vitesse de libération des jus et le gain de volume.

Résultats

Test de dépectinisation

L’ajout d’éthanol acidifié permet de révéler la présence de pectine dans un moût ou un vin en générant un trouble proportionnel à la présence de pectine. Après 8 heures, les moûts enzymés à 3 et 5 ml/hl ne présentent pas de trouble, contrairement au témoin, indiquant l’activité de dégradation des pectines (photo 1).

Turbidité

La turbidité est nettement impactée par l’ajout d’enzyme qui permet une baisse importante du trouble du moût avant fermentation (tableau 1). En fin de FA les écarts sont plus faibles, mais persistent jusqu’à la mise en bouteille.

Filtrabilité

La filtrabilité est évaluée en mesurant le volume de moût/vin pas- sant à travers une membrane de porosité 3 μm (disque 25 mm) à une pression donnée (2 bars) au cours du temps. Que ce soit sur moût avant ou après MPC ou sur vin (fin FA), la filtrabilité est nettement améliorée par l’ajout d’enzyme (figure 1). La dose d’enzyme plus élevée a tendance à renforcer la filtrabilité, surtout sur moût après MPC.

Volume de jus, rendement de pressurage et tassement des lies

L’accroissement du volume de jus de tire (formé pendant les 3 jours de macération) est supérieur pour les lots enzymés (tableau 2). Le gain, par rapport au témoin, est de 54 % pour le lot enzymé à 3 ml et 64 % pour le lot enzymé à 5 ml.

Au pressurage, le rendement (volume de vin (tire + presse)/poids de raisin) est augmenté de 6,7 % et 7,6 % pour les lots enzymés (rendement = 76,7 % et 77,6 % pour le lot 2 x 3 ml d’enzyme et 2 x 5 ml respectivement) par rapport au témoin (70 %). Au soutirage des vins clairs en fin de FA, on note un volume de lies plus faible sur les lots enzymés (-18 % par rapport au témoin).

Caractéristiques analytiques des vins

Les vins sont proches analytiquement. Cependant, les lots enzymés sont plus colorés et plus tanniques. L’effet dose est sensible (tableau 3).

Caractéristiques sensorielles des vins

Les vins ont été dégustés le 9 décembre 2015 par un jury de 15 professionnels du beaujolais entraînés sur les descripteurs évalués. Les vins présentent des profils sensoriels et des qualités assez proches. Le témoin, jugé plus « fruits frais », est similaire au lot enzymé 3 ml, alors que le 5 ml est jugé davantage amer et astringent (figure 2).

Conclusion

Ces résultats indiquent des effets notoires quant à l’usage de cette préparation enzymatique sur le moût et le vin. La dépectinisation entraîne une clarification accrue des moûts, améliorant leur filtrabilité, que ce soit avant ou après chauffage. L’ajout précoce (avant chauffage) couplée à la rapidité d’action de la préparation enzymatique peut faciliter le volume de jus libéré ainsi que le rendement de pressurage, au cours de la macération. Les résultats sont plus importants pour les lots enzymés, ceci proportionnellement à la dose d’enzyme ajoutée.

Sur vin après FA, la filtrabilité est nettement améliorée sur les lots enzymés et le volume de lies est limité : deux intérêts pratiques majeurs en production. L’effet dose n’est pas visible pour ces derniers paramètres. Les vins sont aussi plus colorés et plus riches en tanins, proportionnellement à la dose d’enzyme ajoutée, mais les profils sensoriels restent proches. 

Pour consulter les schémas et tableaux :

Federica CARTA,  Soufflet Vigne
Bertrand CHATELET, Sicarex